
Est-ce que Facebook est toujours pertinent malgré l’ad-pocalypse ?
En ces temps de Covid, avec une révolution sociale en trame de fond, on assiste en ce moment à un mouvement numérique qui m’interpelle. #StopHateforProfit prend de l’ampleur et mets en lumière les agissements, ou plutôt le manque d’agissement, de la part du géant Facebook. Les plateformes sociales Facebook et Instagram sont dénoncées par une coalition américaine déplorant le manque de rigueur, de décence et de support disponible sur la plateforme quand vient le temps de traiter des publicités, des messages et des commentaires haineux, incitant à la violence et au racisme.
Bien que Mark Zuckerberg a annoncé une série de mesures pour pallier aux messages haineux et racistes, la coalition, menée entre autres par la NAACP, la ADL et Color of Change, juge que les changements apportés sont inadéquats et ne répondent qu’en partie aux demandes faites par les organisations représentées.

C’est donc à partir du 17 juin 2020 que j’ai pu suivre l’évolution du mouvement #StopHateforProfit. Demandant aux entreprises de retirer leurs publicités des plateformes sociales de Facebook, les organisateurs tentent ainsi de faire céder la machine d’une des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft est parfois aussi inclus dans cette liste de géant. On parle alors de GAFAM). La hausse des commentaires haineux, le non-contrôle des propos racistes et la sur médiatisation des propos et publicités du Président américain, ont manifestement contribués à ce que le mouvement remporte un succès monstre.
En date du 3 juillet 2020, c’est plus de 500 entreprises qui ont emboité le pas et qui annulent leurs placements publicitaires sur les plateformes de Facebook, certaines pour le mois de juillet, d’autres pour beaucoup plus longtemps. Parmi les entreprises, soulignons : Honda, Coca-Cola, Verizon, Starbucks et Unilever.
Est-ce que Facebook est toujours pertinent pour mon entreprise ?
À quelques mois des élections présidentielle américaines, avec en trame de fond un mouvement social anti-racisme, la génération Facebook apprend à la dure que les inégalités sociales persistent toujours. En regardant rapidement les nombreux projets auxquels je collabore, je ne peux que constater une accentuation de l’ironie, une polarisation des échanges – souvent houleux – et un désengagement des internautes envers les marques.
Bien que Facebook connaisse un ralentissement, elle est toujours en 3e position des plateformes numériques pour joindre les internautes. Par sa construction et son algorithme fort, Facebook permet encore de joindre plusieurs clients organiquement. Les internautes qui sont abonnés à vos pages voient vos publications sur leur fil d’actualité. De plus, l’outil de publicité Facebook, celui-là même qui autorise un filtrage des cibles par sexe, zone géographique, intérêt et par historique de recherche, augmente la portée de vos publications à faibles coûts. Pour ces raisons, je ne suggère donc pas de se retirer complètement de la plateforme, spécialement si vous êtes une petite entreprise que ne fait que quelques placements par mois. Il pourrait être plus dommageables pour votre organisation de ne pas avoir de visibilité sur la plateforme que de rester associé à un outil qui vit une crise profonde. En cette période où la clientèle est plus que jamais présente sur le web pour ses achats, de ne pas s’assurer une grande visibilité serait une erreur. Malheureusement, le ratio manque de visibilité versus argent versé à une GAFA est trop grand et pourrait vous nuire fortement à court terme.
Je comprends l’engouement pour cette cause et nous pouvons déjà voir poindre à l’horizon des entreprises canadiennes et québécoises désireuses de faire partie du mouvement social qui se dessine. On voit déjà une augmentation en popularité chez les plateformes concurrentes et un regain vie pour les articles de blogue. Limité pour le trafic organique, certaines entreprises se tournent vers Google Ads et YouTube. La cause et noble, nécessaire même et votre entreprise peut y participer. Il est important toutefois de s’assurer de le faire pour les bonnes raisons.
Passons donc en revue quelques faits et bonnes pratiques pour bien aligner vos actions et l’adhésion de votre marque à des tendances populaires sur le Web.
Pas le premier ad-pocalypse et pas le dernier
Rappelons qu’on ne vit pas le premier ad-pocalypse. Je me souviens des moments où YouTube l’a vécu. La plateforme de vidéo en ligne, appartenant à Google, avait vu de gros noms comme Mars, Adidas, HP, Disney, Hasbro, Epic Games, AT&T et Nestlé retirer leurs publicités. Pour des raisons raciales ou des zones grises entourant le sort réservé aux enfants, les entreprises ont forcé la main à YouTube afin qu’elle assume ses responsabilités et assument le tort et les préjudices qu’elles pouvaient causer.

Je crois que nous sommes dans une phase similaire avec Facebook. La seule différence? Un propriétaire plus têtu chez Facebook et un Président américain un peu plus volubile sur Twitter, qui encourage les échanges haineux sur des blogues, Redit et YouTube. Prenons note que ces canaux de diffusion ont été fermés par les dirigeants des plateformes sur lesquelles ces propos étaient véhiculés. Les commentaires haineux sur Facebook ne datent pas d’hier. Très rapidement j’ai constaté que l’outil rendait les internautes moins vigilants et beaucoup plus tranchants. Leurs opinions sont plus importantes que la diversité et le bien-être des autres est devenu accessoire.
Malgré les veilles, les plans de communications, les formations sur la diversité offerte en entreprise et le bannissement de mots clés et d’internautes de groupes de discussion, la haine et le racisme ont fait leur chemin à l’avant-plan du web. Sur les réseaux sociaux, c’est souvent noir, ou blanc – c’est rarement inclusif.
Aidé par une sur commercialisation des aléas du Président Trump, Facebook est soudainement devenu incontrôlable. Les actions posées par Mark Zuckerberg – et toutes celles qu’il n’a pas posées – semblent venir trop tard et n’ont pas l’impact souhaité.
Les entreprises ont donc décidé, encore une fois, de prendre le sort d’une plateforme numérique entre leurs mains.
Embarquer dans le mouvement pour la bonne raison
Dans les dernières années, quelques clients ont été tentés de participer à des mouvements sociaux, sans vérifier si les événements cadraient adéquatement dans leur vision et leurs valeurs. Participer à un mouvement social pour augmenter votre visibilité, ce n’est pas recommandé.
Avant de participer à #StopHateforProfit, assurez-vous que votre entreprise rencontre le minimum requis, qu’elle démontre une bonne foi et qu’elle puisse démontrer les actions prises pour aider la cause. Prenez vraiment le temps de vous y attarder : vos publications, images, photos et agissements démontrent-ils vraiment de l’inclusivité? Avant de répondre trop rapidement, faite l’exercice : à quand date la dernière fois où vous avez parlé de multiculturalisme et de diversité sur votre page Facebook? Et dans vos articles de blogue? Ou encore dans vos interventions publiques? J’ai trop souvent vu sur les réseaux sociaux des entreprises qui clament haut et fort leur appartenance à une cause alors que, dans les faits, elles contribuent plutôt au problème.
S’approprier une cause pour redorer son image, c’est non. Se coller à un mouvement social pour des likes c’est non. Demander à avoir des clients de couleurs à son réseau, c’est non.
Un exemple à suivre?
Pourquoi ne pas prendre exemple sur la bonne pratique que l’entreprise Ben & Jerry’s a mise en place? Très active sur le web, l’entreprise met de l’avant son politique d’inclusion sociale dans laquelle elle énumère :
- Sa mission et sa vision d’inclusion;
- Ses pratiques;
- Et ses campagnes terrain pour éduquer et partager les grands principes d’inclusions.
Une telle page sur votre site web vous permettra d’y référer vos clients, vos prospects et vos employés afin qu’ils connaissent bien votre vision et puissent suivre vos actions concrètes pour la cause que vous supportez. Toutes les actions sont importantes. Ne joignez pas seulement un mouvement, devenez plutôt un leader de changement.
Comment déployer une cellule anti-diffamation et antiracisme dans votre entreprise
Je travaille avec des entreprises de tous types depuis plusieurs années. Nous développons ensemble des plans de veille afin d’assurer une bonne e-réputation aux organisations. Plusieurs d’entre elles ont déjà un guide, des mesures de réputations, des automatismes de réponses et des stratégies pour les réponses insolites ou à risque élevé. Peu d’entre elles ont développé, à même leur stratégie d’e-réputation, un plan d’action pour prévenir la diffamation et le racisme au sein de l’entreprise ainsi que dans ses communications numériques.
Un plan simple, accessible à tous et intégré à même vos missions et valeurs entrepreneuriales sera bénéfique pour votre réputation en ligne. De plus, advenant un intérêt pour la cause #StopHateforProfit, il vous sera plus facile de défendre le fait que votre corporation ne participe pas seulement au mouvement, mais qu’elle déploie aussi des efforts concrets et mesurables pour limiter les dépassements diffamatoire ou racial.
Je vous suggère fortement de monter une équipe, une cellule à l’interne, dont le travail sera de développer un plan d’actions, de monitorer les efforts de l’entreprise et d’assurer une standardisation des actions sur le web.
Dans un premier temps, cette cellule devrait construire un plan démontrant vos actions pour :
- Réduire les obstacles à l’embauche à la formation et au leadership dans votre entreprise;
- Promouvoir les interventions auprès des employés et/ou des partenaires à risque;
- Éduquer et sensibiliser les employés sur la cause;
- Encourager les échanges de points de vue positifs dans l’entreprise.
Cette même cellule pourra aussi mesurer et intervenir dans vos communications électroniques, voici ce que je mettrais en place avec eux :
- Développer un plan de communication axé sur l’attaque des crimes haineux;
- S’engager à lutter contre la haine en ligne;
- Construire une série de réponses et de vocabulaire pour contrer les abus et les commentaires racistes;
- Suivre les publications et les commentaires de manière serrés et intervenir adéquatement au besoin;
- Utiliser les outils de modération des pages afin d’insérer une liste de mots clés à bannir des échanges en lignes.
Des publications plus inclusives
Je me questionne depuis plusieurs années sur les concepts et les alignements que les entreprises devraient prendre sur le web afin d’être plus inclusives dans leurs publications et leurs communications numériques. Je ne veux pas tomber dans les habitudes corporatives trop souvent mises de l’avant, soit avoir la personne éthique de service qui sera prise en photo dans différentes situations.
L’inclusion, ce n’est pas de démontrer que l’entreprise a une personne d’une autre nationalité disponible pour des photoshoots. C’est de mettre en valeur l’égalité des chances qui règne dans l’organisation. C’est d’illustrer les actions concrètes prises par vos équipes pour les causes sociales. C’est de faire voir l’inclusion dans vos équipes, la mixité chez vos équipiers. C’est de laisser transparaître votre ouverture sur le monde et de laisser savoir que vous êtes un leader de changement par vos actions.
Attention de ne pas tomber dans les extrêmes ! Pas assez de représentativité peut nuire, mais de développer le complexe du « white saviour » est aussi néfaste. Tout est question d’équilibre. Je suggère de développer une matrice de mesure interne assurant la représentativité tout en restant aligner sur votre mission et vos valeurs. Chaque publication devrait passer par cette matrice et par la cellule anti-diffamation et antiracisme avant qu’elle ne soit publiée sur vos plateformes sociales. Ça peut sembler lourd, mais c’est parfois quelques instants de plus pour vous assurer d’éviter des ennuis qui demanderont pas mal plus de temps à gérer.
Restez humble, vrai et cohérent avec votre mission et vos valeurs d’entreprise. Prenez part à la discussion, engagez-vous dans le débat et faites valoir votre point de vue. Un petit changement peut avoir de grandes répercussions. Supportez les causes qui vous tiennent à cœur et démontrez les actions concrètes que vous avez faites sur le terrain. Surtout, n’hésitez pas à montrer votre désir de mieux faire les choses et votre ouverture d’esprit.
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